Bio-mimétisme et matériaux composites au service de l'exploration spatiale

Le développement du bio-mimétisme et des matériaux composites au service de l'exploration spatialeComprendre les enjeux liés au développement du bio-mimétisme et des matériaux composites au service de l'exploration spatiale.

Le bio-mimétisme au service de l'exploration spatiale

Antoine Le Duigou et Mickaël Castro, tous deux chercheurs, maîtres de conférence et instigateurs de l'équipe "Bionics" au sein du Laboratoire de Recherche Dupuy de Lôme (IRDL) se sont penchés depuis 8 ans sur le sujet du bio-mimétisme pour le développement de matériaux composites innovants (impact environnemental réduit, adaptatifs…). Depuis presque un an, suite à un appel à projet remporté au sein de l'Agence Spatiale Européenne (ESA), un travail de thèse a débuté. C’est ainsi que, inspirés du fonctionnement du tournesol, des matériaux adaptatifs, capables de se mouvoir sans énergie et en direction d’un stimulus, sont développés par l’usage de l’impression 4D. L'UBS ou le tropisme du tournesol dans l'espace...

La genèse du projet

Antoine Le Duigou revient sur les débuts de ce projet : "On travaille sur ce projet depuis 8 mois environ. Trois personnes sont mobilisées autour de celui-ci : Mickaël Castro, une doctorante (Roxane Toumi) et moi-même au sein de l'IRDL dans l'équipe de recherche Bionics (Bio-mimétisme pour des matériaux composites). Nos partenaires sont le laboratoire PIMM à Paris, l'IRT Saint-Exupéry à Toulouse, l'Université de Bristol en Angleterre et le laboratoire ESA ESTEC de l'ESA".

Au tout départ, il y a 8 ans, les recherches ont commencé avec la pomme de pin. Pourquoi ? "Car mes travaux de recherche étaient orientés sur l'emploi des fibres végétales comme renfort de matériaux composites. Un de leur point limitant était leur sensibilité à l'humidité. Aujourd'hui, toute la communauté scientifique souhaite modifier chimiquement les fibres pour limiter cette sensibilité à l'humidité, peu importe l'impact environnemental d'ailleurs!" précise Antoine.

Une démarche scientifique originale autour du bio-mimétisme

L'équipe de chercheurs de l'UBS à l'IRDL, eux, sont partis à l'opposé en mettant en place une démarche de biomimétisme en regardant dans la nature quelle structure biologique tire plutôt bénéfice de cette sensibilité à l'humidité au lieu de la subir comme un inconvénient...Résultat ? Ils ont trouvé matière à leurs recherches et sujet de réflexion avec la pomme de pin ! Cela leur a permis de développer un nouveau concept de matériau, à la fois biosourcé, biodégradable, stimulable et adaptatif sans énergie extérieure (frugale !). De là, leur est venue l'idée de proposer une solution de structures adaptatives sans besoin de source d'énergie extérieure à l'ESA pour l'exploration spatiale. C'est le point de départ du projet autour du tournesol. "Notre proposition a été retenue parmi plus de 70 projets proposés par des équipes de recherche" indique Antoine.

L'exploration spatiale de demain fera appel au bio-mimétisme

Comme l'explique Antoine, "On est en lien avec la problématique spatiale car l'exploration de demain se fera via l'installation de bases lunaires comme l'ambitionne l'ESA. Premier objectif pour les futures missions spatiales dans des conditions aussi extrêmes : réduire le matériel à mettre en orbite. Second objectif : installer ce matériel, le maintenir et limiter un maximum les pannes car les pièces de rechange sont rares dans l'espace ! Enfin, troisième objectif : en diminuer la consommation d'énergie (une partie de l'énergie du bord est utilisée pour alimenter le fonctionnement). La voie de la production d'énergie par l'usage de panneaux solaires s'avère être celle retenue. Mais comment optimiser leur rendement s'ils ne s'adaptent pas à la trajectoire du soleil ? Il y a alors un problème de rendement lorsque le soleil ne les éclairent plus parfaitement. Il a fallu des millions d'années pour graver dans l'ADN du tournesol cette propriété de suivre le cycle journalier du soleil pour optimiser le captage d'énergie et revenir à son point de départ pendant la nuit. Depuis quelques dizaine d'années, les traqueurs solaires sont produits industriellement mais nécessitent un système d'asservissement complexe, composé de capteurs, de moteurs, d'électronique de calcul et de commande. Ceci limite leur application en environnement extrême comme l’espace".

Un traqueur spatial qui s'orienterait directement grâce au soleil et autonome en énergie pour l'espace... Et la Terre !

L'idée développée par l'équipe de recherche "Bionics" est simple : " Imaginez une architecture de matériaux qui serait aussi résistante et aussi légère que la tige de tournesol et capable de suivre le soleil sans moteur, sans électronique et sans consommation d'énergie... et de revenir à sa position de départ dans la nuit !". "Pour cela, on utilise les outils suivants" précise Antoine :" le bio-mimétisme et l'impression 4 D de matériaux composites pour permettre de proposer des matériaux adaptatifs. Et cerise sur le gâteau : les matériaux qui seront employés pour réaliser ce modèle pourront être des matériaux issus de ressources lunaires (NDLR : la regolithe)".

Antoine nous livre en conclusion : "Deux projets connexes au projet tournesol sont déjà envisagés notamment pour transférer le concept vers la Terre...mais chut ! On ne vous en dit pas plus !  C'est top secret !"

Portrait d'Antoine Le Duigou

Antoine et le tropisme du tournesol dans l’espace